La honte

Dans cet article, je ne fais pas référence à la honte traumatique. 

La honte est un sentiment qui regroupe toute une famille d’émotions, telles que l’embarras et l’humiliation et même plus discrètement la modestie, la timidité, le découragement, la gêne, l’infériorité et la non-conscience de ses compétences ou aptitudes. Le dénominateur commun de ces variantes est la perception négative du regard des autres sur nous.

La honte est une construction émotionnelle née des relations interpersonnelles. Elle est la conséquence des attentes, des espoirs déçus, de la déception, de l’échec, du rejet ou manque d’intérêt mais tout cela par rapport à la perception du regard et de la pensée des autres.

Honte.jpg

L’exemple suivant, je le prends dans un de mes cours sur la théorie de l’attachement de John Bowlby (1907-1990). Voici un bébé installé dans la cuisine pendant que sa mère range la vaisselle. Appelée ailleurs, elle quitte la pièce quelques minutes. Le bébé attend son retour et au bruit des pas qui reviennent vers lui, il s’apprête à rencontrer le regard de sa mère en dessinant déjà un sourire. Or, sa mère, occupée, rentre sans le regarder et continue ce qu’elle faisait. Le bébé ressent alors un sentiment de honte partant du raisonnement suivant : si elle ne me regarde pas, c’est que je ne suis pas assez bien pour elle ».

Dans la perception de nos relations interpersonnelles, il y a plusieurs composantes, telles que l’imagination de notre apparence, l’imagination du jugement sur cette apparence et le sentiment d’estime de soi qui peut aller de l’orgueil à la mortification.

La honte n’est pas le simple reflet mécanique de nous-mêmes, mais un sentiment imputé, l’effet imaginé d’un jugement fait par l’autre sur nous mêmes. C’est donc une émotion centrale de l’interaction sociale. 

Elle se manifeste de plusieurs façons. Le honteux peut baisser les yeux, rougir, se mordre les lèvres ou se forcer à sourire, voire s’agiter. Les réponses peuvent aussi la gêne, la défensive, l’exagération ou le déni.

Comme elle est vécue de l’intérieur et ne peut s’extérioriser, c’est l’estime de soi qui est écornée parce que l’on peut se répéter que l’on est méchant, stupide, égoïste. On martèle notre confiance en nous de l’humiliation ressentie, du mépris supposé. On intériorise les critiques imaginées des autres sur nous qui nous viennent de petites remarques des autres et auxquelles nous accordons beaucoup d’importance.

La honte, dans nos sociétés, est presque toujours refoulée et cachée. Elle est parfois la prise de conscience de toutes nos autres émotions. La colère, la peur, le chagrin et l’amour sont souvent peu exprimés. C’est alors une source de honte quand l’autre nous en fait le reproche: « Ne pleure pas, tu n’as pas de raison d’avoir peur, reprends-toi, ne fais pas ton bébé, tu devrais avoir honte… ». On internalise ces avertissements, de sorte que quand on se met à ressentir une de ces émotions, nous allons immédiatement essayer de les contrôler, de les cacher et d’en avoir honte.

Pour certains la critique interne fournit en permanence une évaluation négative. On ne peut plus faire les choses de façon correcte et bien, on est trop ou pas assez agressif, on se laisse marcher sur les pieds par les autres…

Pour guérir d’un sentiment de honte chronique, il est nécessaire de comprendre profondément que ce que nous sommes est différent de notre croyance supposée que nous avons de nous. Il faut identifier la honte et le processus de honte pour apprendre à les gérer, c’est à dire à reconnaître nos propres défenses face à la honte pour répondre de façon plus efficace et constructive à la perception du regard des autres.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.