La délimitation de la sexualité normale et de la sexualité pathologique est dépendante des références culturelles, idéologiques et sociales de l’époque concernée.
Aujourd'hui, la « normalité » est définie par l’absence de souffrance morale ou physique chez les partenaires sexuels puisque la loi ne parlant que d’abus sexuels, ne contrôle pas les pratiques sexuelles privées, entre adultes consentants.
Parler de souffrance rejoint la définition retenue par le DSM-IV qui identifie deux catégories de troubles sexuels: les dysfonctions sexuelles et les paraphilies (1).
Tous les troubles sexuels peuvent être étudiés et pris en compte par une pluralité de professionnels (psychologue, sexologue, médecin généraliste, médecin spécialiste, conseiller conjugal…) qui vont chacun étudier les conséquences ou les causes, face auxquelles ils se positionnent en tant qu'experts.
Quand on parle de trouble du désir sexuel, on parle de baisse de désir sexuel, d'absence ou une perte de désir sexuel. Les professionnels parlent de désir hypoactif et distinguent l'absence de désir sexuel depuis toujours, l'anaphrodisie primaire et la disparition du désir sexuel, l'anaphrodisie secondaire.
Par définition, la perte de désir sexuel est une déficience ou une absence de fantaisies imaginatives d’ordre sexuel ou de désir d’activité sexuelle. La personne est alors peu motivée dans la recherche de stimulus et éprouve peu de frustration quand elle est privée de la possibilité d’une activité sexuelle.
Cette absence de désir sexuel touche les hommes comme les femmes, même si les femmes sont beaucoup plus touchées (ou en parle plus souvent) par cette diminution de la libido.
Notre culture est fortement imprégnée de morale judéo-chrétienne, relayée par 2000 ans de discours d'une Église qui a instauré une méfiance à l’égard des plaisirs charnels. Considérant qu'ils emprisonnent l’esprit dans le corps, elle tolère l'acte sexuel dans des cadres très précis.
Le premier cadre est celui de la procréation, le second celui du devoir conjugal et le troisième celui de lutter contre le désir hors mariage.
Ces cadres peuvent très bien exister en tant que croyances dans les schémas cognitifs des personnes souffrant de baisse de désir. Ces croyances, entrainant la formation de pensées parasites, peuvent devenir de vrais freins à un acte sexuel "réussi".
Dans les pays occidentaux, la peur et l’ignorance concernant les troubles sexuels, surtout quarante ans après "la Révolution sexuelle", commencent à évoluer. La plupart des journaux, radios et télévisions apportent aujourd’hui des informations concernant la plupart des difficultés sexuelles que l’on peut rencontrer quel que soit l’âge.
Mais la peur, et l’ignorance parfois aussi, existent toujours ! La peur d’affronter ses propres troubles sexuels, de se les dire et de les exposer devant un tiers. La peur d’aborder des sentiments et des défaillances qui, par l’importance de leurs conséquences sur l’équilibre psychoaffectif, ont souvent été noyé par des réactions de défense pour les enfouir profondément dans l’inconscient et pour mieux les oublier, tellement la confrontation peut être douloureuse. Mais ce refoulement resurgit toujours, tant que le problème n’est pas résolu. La souffrance est toujours là parce que l’impact qu’elle engendre est souvent dévastateur sur le lien conjugal.
Il arrive souvent qu'un couple confronté à ce trouble sexuel particulier aille consulter en mettant en avant une problématique de communication. Parler de sexualité au professionnel que l'on vient voir demande toujours un effort de mise en mots. Et aussi souvent, le fait de consentir à en rechercher la cause, ou du moins à gérer la situation pour la modifier, demande un effort tout aussi soutenu.
Selon Kaplan la présence du désir sexuel dépend de plusieurs facteurs.
– Biologiques et hormonaux
– Une bonne estime de soi et de son image
– La capacité d’accepter d’être une personne sexuée
– Des expériences passées positives
– Un partenaire approprié et attractif
En parlant d’anaphrodisie, on peut ajouter d’autres facteurs individuels et relationnels :
– L’éducation, la culture, la religion, c'est-à-dire la connaissance et le savoir
– L’âge
– Les conflits conjugaux
– Une faible communication affective et sexuelle
Mais on constate que le nombre de facteurs qui entrent en cause d’une absence ou d’une baisse du désir est sans limite.
La baisse du désir peut tout à fait être présente quand un problème, un souci particulier, personnel ou professionnel prend trop de place dans la vie de tous les jours. Le véritable trouble du désir, c'est la baisse de libido sans raison apparente. C'est la personne qui se sent fatiguée, qui n'éprouve plus aucune envie pour quelque activité sexuelle que ce soit, avec qui que ce soit, mais sans être capable de dire pourquoi.
Une des premières actions à inciter le couple d'entreprendre est la consultation médicale. En effet, le médecin généraliste recherchera une cause organique, c'est-à-dire physique, telle que l'hypogonadisme, l'anémie, le diabète, les affections endocriniennes, cardio-vasculaires, infectieuses, toxiques (alcool, toxicomanie) ou médicamenteuses (psychotropes, anti-hypertenseurs, etc.).
Face à une cause organique suspectée, le généraliste envisagera l’intervention d’un médecin spécialiste (urologue, gynécologue, endocrinologue, cardiologue…)
En outre, il vérifiera également une diminution des oestrogènes (chez la femme) ou du taux de testostérone (chez l’homme), ou un excès de progestérone ou de prolactine.
Le sexologue questionnera pour évoquer le symptôme (présence ou absence de fantasmes, rêves érotiques, érections spontanées, masturbations…), informera le couple sur les différents aspects de la sexualité hétérosexuelle afin de traiter le symptôme. Il envisagera le type de thérapie de couple, adaptée aux processus cognitifs mis en oeuvre dans la problématique du couple particulier qui le consulte.
La thérapie de couple est essentiellement pluridisciplinaire car la stratégie est toujours à double entrée : la parole vers le corps et le corps vers la parole ou les difficultés psychologiques vers les malaises physiques et les malaises psychologiques vers les difficultés physiques.
Pour poser un diagnostic étiologique, on sait que toutes les dysfonctions sexuelles sont multifactorielles. L’étiologie peut être autant psychogène, organique ou mixte.
Ainsi, même si ce trouble a ou n'a pas de cause hormonale reconnue, c’est toujours dans le cadre du couple qu’il pose problème et que ce problème peut avoir et une cause organique et une cause psychogène. Les causes profondes doivent être recherchées quand elles semblent vraiment utiles à la résolution du problème.
De manière générale, on sait que tous les sentiments négatifs éprouvés durant les échanges érotiques en altèrent la désirabilité, qu’il s’agisse de sentiments de rancune ou de culpabilité, qu’ils proviennent de valeurs répressives ou de vécus traumatiques.
Quand les causes s’additionnent, leur cumul est franchement nocif sur la relation du couple. En réponse à cette causalité multiple et très souvent interdépendante, les traitements ne peuvent qu’être pluridisciplinaires, portant sur différentes cibles et combinant diverses techniques : sexothérapie, thérapie de couple, psychothérapie, informations et conseils sexuels, médicaments. Chaque situation, chaque couple appelle sa formule propre.
En tant que psychologue sexologue, la thérapie de couple que je propose permet d’analyser les différents paramètres du symptôme (comportemental, cognitif, émotionnel et environnemental).
C'est ainsi que je peux très souvent dans le cas d'une baisse de désir ou de disparition, envisager d'orienter mon analyse fonctionnelle sur :
– les croyances irrationnelles
– les pensées parasites
– le comportement cognitif,
– le manque de fantasmes,
– l’imaginaire érotique culpabilisant.
KAPLAN, Helen Singer. The Sexual Desire Disorders : Dysfunctionnal Regulation of Sexual Motivation, Brunner/Mazel, New York, 1995.
POUDAT, François-Xavier, Noëlla Jarousse. Traitement comportemental et cognitif des difficultés sexuelles, Albin Michel, Paris, 1992
POUDAT, François-Xavier, Bien vivre sa sexualité, Odile Jacob, Paris, 2004
(1) Le DMS-IV ajoute aussi le trouble de l'identité sexuelle