Si nous appréhendons le regard d’autrui c’est parce que nous redoutons son jugement. Nous avons peur que l’autre nous renvoie une image dévalorisante de nous, image qui ne correspondrait pas à celle que nous nous faisons de nous.
Cette peur fait évidemment référence à une fragilité de l’estime de soi, d’un manque de confiance en soi. La peur est alors plus forte quand l’autre est flou, insaisissable, donc dans les situations de rencontres nouvelles, de contacts de personnes peu ou mal connues.
Nous avons tous besoin du regard des autres, parce que l’autre nous confirme notre existence, notre identité. Mais il arrive que la peur du regard des autres empoisonne notre vie, à différents degrés, comme s’il y avait une menace de notre identité et un manque de reconnaissance.
La peur du regard des autres peut devenir un malaise anxieux qui se situe sur un continuum allant de la simple timidité à la phobie sociale.
Cette peur peut se rattacher à toutes les situations sociales vécues ou à une seule, comme celle de la prise de parole en public.
À l’origine de ce malaise on trouve certaines croyances dysfonctionnelles précises et en particulier la croyance selon laquelle les autres attendent de nous que nous soyons parfaits parce qu’ils ne toléreraient pas la moindre erreur.
À cela s’ajoutent des croyances conditionnelles sur les évaluations sociales : « si je me trompe, les autres vont me ridiculiser » et des croyances conditionnelles sur notre propre identité ou capacité : « si je me trompe, je ne suis pas intelligent »
Entrent en jeu alors les biais attentionnels qui vont mettre en évidence tout ce qui justifie les croyances. Ces personnes anxieuses vont focaliser leur attention sur leurs propres apparence, comportements et manifestations d’anxiété au détriment des signes positifs renvoyés par les autres. Un tel a baillé pendant que je parlais, c’est bien la preuve que ce que je dis est idiot, que mon travail n’est pas parfait … Un tel me regarde intensément, c’est bien la preuve que je ne suis pas bien habillé, que je me comporte mal …
C’est donc autant un travail sur les croyances qu’un travail sur les causes et les conséquences que je poursuis quand une personne vient me voir en me parlant de sa peur du regard des autres.
Cette personne en dépendance affective de l’autre a besoin de reprendre confiance en elle, de retrouver une place sociale qui lui appartient et qui lui est propre.
À titre indicatif, voici un tableau distinguant la timidité et la phobie sociale, d’après André (1999).
Timidité | Phobie sociale |
L’anxiété diminue au fur et à mesure des rencontres avec la personne ou la situation, l’anxiété diminue | L’anxiété augmente au fur et à mesure des rencontres avec la personne ou la situation, l’anxiété augmente |
La personne se soucie épisodiquement de sa peur | La personne est obsédée par sa peur |
Peur d’être laissé à l’écart | Peur d’être agressé |
L’anxiété atteint rarement la panique | L’anxiété atteint fréquemment la panique |
Évitements limités et anxiété de confrontation modérée | Évitements fréquents et anxiété de confrontation très importante |
La personne est perçue par l’entourage comme timide | La personne est perçue par l’entourage comme distante |
Sentiment de tristesse après les performances sociales ratées | Sentiment de honte profonde après les performances sociales ratées |
Je connais une personne d’une quarantaine d’années dans ma famille qui évite toute confrontation avec les gens car elle en a une peur maladive. Hormis son travail, elle ne sort pratiquement jamais
de sa maison car elle craint d’être jugée de façon négative. Elle est obsédée par le regard de l’autre. Elle n’a pas d’amis, pas de soutien. Elle semble ne se sentir apaisée que seule dans son
univers où elle développe toutes ses capacités créatives. Dehors, rien!
S’il lui arrive de croiser une bande de jeunes dans la rue, elle est prête à rebrousser chemin car tremblante et gauche, elle a une peur terrible que ceux-ci se moquent d’elle, la rabaissent et
l’insultent (ce qui lui arrive souvent)
Sa vie est un gâchis énorme. Son état se détériore d’années en années. Je crains qu’un jour elle ne puisse plus sortir de chez elle.
Merci pour ce témoignage. Oui, la phobie sociale est très difficile à comprendre, très difficile à vivre. Seul un professionnel pourrait aider cette personne. Il y a des professionnels qui se
déplacent dans ce genre de cas.
C’est sur : même si le ridicule ne tue pas, il empoisonne sacrément la vie!
Tout à fait !