Sur le plan social, la rupture d’une relation est pratiquement banalisée. Mais sur le plan cognitif et surtout émotionnel, elle ne se fait jamais sans souffrance que l’on soit celui qui quitte ou celui qui est quitté, que ce soit une séparation après 6 mois ou 15 ans de vie commune. La souffrance est proportionnelle à la force de l’attachement, à l’importance de l’investissement affectif au moment de la séparation.
La séparation est source de détresse et s’assimile au deuil. Elle arrive toujours au « mauvais moment », se passe rarement bien, engendrant stress, solitude et état dépressif.
Si on décide de quitter, le cheminement qui y conduit est rempli de culpabilité et de malaise. Si on est quittés, on est déstabilisés par l’impression d’incompréhension immédiate. Si le point de départ semble différent, le processus et le travail qui ramène à l’équilibre sont identiques.
Le deuil, au sens psychanalytique du terme est un processus complexe déclenché par la perte d’un objet. Quand on parle d’objet en psychologie, on parle autant de personnes que de situations. Cela veut dire que toute perte peut enclencher un processus de deuil. Perte d’un être cher en cas de décès, perte d’une relation amoureuse en cas de séparation, perte d’une situation sécuritaire en cas de licenciement, perte d’un environnement en cas de déménagement, perte de valeurs en cas de désillusions… Il faut dans tous les cas faire le deuil de l’objet perdu.
En anglais, on distingue le « grief », le deuil affective et « bereavement » la situation de deuil, car le deuil est un processus et une réponse. Du choc initial au rétablissement de l’équilibre, le processus est toujours lent. Et, même ce travail de deuil une fois terminé, il arrive que la personne continue à se référer à sa rupture, comme si la blessure marquait son expérience, sa vie de façon permanente.
Dans le temps, le processus comprend 4 étapes principales avant la reconstruction cognitive : le choc avec le déni et le chantage, la recherche ou l’évitement de l’autre, la colère avec la haine et/ou la culpabilité et la dépression. Chacune de ces étapes a des processus particuliers.
Du point de vue cognitif, le processus revêt différents états émotionnels et comportements qui se regroupent selon un certain ordre à l’intérieur de chaque étape principale.
Mais comme nous sommes tous semblables et tous différents, si nous traversons tous ces mêmes étapes, états et comportements, nous les vivons plus ou moins intensément, selon les différents paramètres qui font notre différence.
En se tenant aux diverses études réalisées transversalement sur les étapes d’un deuil de relation, voici les faits qui font du processus de deuil notre similitude, notre ressemblance à l’autre que nous.
1. Le choc
Même quand la séparation est prévisible parce que le couple se déchire depuis longtemps, la rupture est vécue comme un choc. C’est du à une modification brusque des habitudes provoquant un changement des conditions sécuritaires.
Cet état émotionnel intense est marqué par l’anxiété et le stress souvent accompagnés de troubles physiologiques, comme la perte d’appétit, l’insomnie. Moins la personne est soutenue, plus grande sera son stress et son anxiété. Certaines personnes sont dans un état de choc semblable à celui vécu par les victimes d’accident. Ils sont engourdis émotionnellement et ne semblent rien ressentir.
Au cours de cette étape, on entre dans le déni (c’est impossible !) puis parfois dans la recherche compulsive d’une solution qui permettrait que l’inévitable n’existe pas et que la situation présente n’ai jamais existée.
2. la recherche de l’autre ou l’évitement
D’après les études réalisées, la seconde étape peut être la recherche obsessionnelle de la présence de l’autre ou son évitement tout aussi obsessionnel. Certaines personnes vivent même les deux facettes de cette étape.
La recherche de l’autre :
S’il y a rupture physique, il n’y a pas rupture de l’attachement. L’autre est physiquement inaccessible, mais moralement présent. Il est très souvent dans les rêves, parfois imaginé dans les endroits familiers. On le voit partout et tous les objets nous le rappellent. Celui qui vit cette étape recherche éperdument tous les signes de présence.
L’évitement de l’autre :
On cherche alors à nier et à refuser tout ce qui peut rappeler l’autre. On déménage à la hâte, on se précipite dans une relation de remplacement, on dévie les conversations qui parlent de l’autre, on oublie les amis communs.
3. La colère
Dans cette étape, les émotions dominent. On est surtout en colère et son expression nécessaire, incontournable doit pouvoir être dépassée. La colère peut être tournée vers soi ou vers l’autre.
Tournée vers l’autre, on est en colère contre l’autre et /ou tous les autres, tous ceux qui n’ont pas pu empêcher que la rupture survienne, qui ne nous ont pas aidé à l’éviter. Contre cet autre qui n’est pas resté, contre sa famille et contre ses amis. Contre tous les hommes ou toutes les femmes.
Tournée vers soi, c’est la culpabilité qui domine. On se sent coupable « Je n’aurais pas du dire ça, faire ça… « . La rupture est vécue comme une punition.
En fait on cherche la faute (de l’autre, des autres ou de nous), la faute qui nous a menée vers cet état de solitude que l’on ne parvient pas encore à accepter, à vivre.
4. La dépression
Après toutes ces étapes agitées, arrive celle de l’abattement. On est d’abord triste, vraiment triste parce que tout ce que l’on vit devient vraiment réel. Puis toute l’énergie s’épuise un peu plus et s’installe un état dépressif. Il n’y a rien à faire, l’autre n’est plus là. On se replie sur soi. On renonce à tout, on s’isole.
5. La reconstruction de l’équilibre
Après « avoir touché le fond », on remonte la pente. On accepte la situation et surtout on s’adapte au changement. L’absence de l’autre nous a obligés à modifier nos habitudes. Nous vivons autre chose. Nous apprenons autre chose. On se recentre sur soi et on découvre un autre aspect de nos valeurs de vie que la vie commune avait peut être étouffées. On fait de nouveaux projets. On retrouve un équilibre. L’autre n’est plus au premier plan. Il est devenu partie intégrante de notre expérience de vie.
Comment arrive-t-on à cette reconstruction ?
Il est nécessaire de sortir de la dépendance affective dans laquelle on s’enfonce dans les premières étapes du deuil d’une relation. Pour en sortir il faut la comprendre, c’est à dire prendre conscience des mécanismes qui la sous tendent.
La dépendance affective est une situation et, comme toute situation, elle fait appel à toutes les autres situations identiques que l’on a vécues dans le passé. La petite enfance, l’enfance et l’adolescence.
Il faut dépasser la rupture et lui donner un sens. Beaucoup de personnes parviennent même à s’en sortir enrichies, en découvrant les ressources intérieures qui étaient plus ou moins en sommeil dans l’habitude d’une sécurité.
Il faut comprendre nos manques et nos attentes. La véritable transformation passe en priorité par soi.
C’est la distance à soi qui permet, paradoxalement, de se retrouver. Anne Ancelin Schutzenberger résume les techniques en disant qu’il est nécessaire de se faire plaisir, de bien s’entourer pour reconstituer « un stock de vitamines émotionnelles ».